la grenade et le gun

Par le motif de la grimace, du masque (grima), au delà des objets sur lesquels le regard accroche (le revolver, la grenade) ce qui frappe, ce qui trouble d’emblée, c’est l’intervalle ambigu entre violence et jeu, agressivité et innocence, la difficulté de trancher entre les deux, « un secret sur un secret », comme l’a expliqué Diane Arbus. (1)

S’instaure alors un dialogue entre l’adulte et l’enfant : l’adulte joue à-prendre l’enfant en photo, l’enfant joue à se laisser photographier.

La question que l’on peut se poser : qu’est ce qu’exprime la grimace ? Est-elle destinée au photographe ou exprime-elle un malaise, un dérèglement ? En ce qui concerne l’enfant à la grenade, le visage tordu, légèrement incliné, est renforcée par un autre « punctum » (selon la terminologie de Roland Barthes) (2), celui de la main crispée.
Pour ce qui est du gunner de William Klein, le geste est rendu d’autant plus inquiétant et subversif par le regard en oblique, en contrepoint du deuxième enfant, spectateur de la scène. Se révèle alors ce qui se situe à la frontière du permis et de l’interdit, du virtuel et du réel, de la révolte et de la soumission, du plaisir et de la cruauté.

Car se qui nous trouble se situe hors champs : le vécu de ces enfants, une expérience traumatisante, un conflit, une autorité conventionnelle. Ce qui qui s’exprime alors, c’est une excitation de l’instant, révélatrice d’une réalité inconnue, d’une douleur cachée, d’une violence rentrée. « L’expression, avec ce qu’elle comporte de plaisir, est une douleur déplacée, elle est une délivrance ». (3)

(1) Citation de Diane Arbus, magazine Artforum, mai 1971 (2) Roland Barthes, « la chambre claire, note sur la photographie », Edition Cahiers du Cinéma Gallimard Seuil, 1980(3) Hans Bellmer, « Petite anatomie de l’inconscient physique ou l’anatomie de l’image », 1957, Paris, Edition le Terrain vague, 1978, p. 12

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