Révélations

Claire Santrot, une photographe, juste une photographe

Le dilemme de certains photographes est d’avoir à choisir entre l’ombre et la lumière sans parvenir à trouver la juste exposition. Surexposer reviendrait à perdre l’essentiel et à consacrer trop de temps et d’énergie au regard d’autrui. Sous-exposer, cela pourrait être aussi manquer quelque chose tant il est parfois question d’un travail singulier et précieux, digne d’être vu, voire reconnu.
D’un côté, écrire avec la lumière, jusque dans les recoins les plus dissimulés du laboratoire, dans les secrets des formules chimiques et rester dans l’ombre, à l’abri d’une quelconque exposition, comme une multitude d’artisans anonymes simplement concentrés à leur ouvrage pendant des décennies, de l’autre accepter de sortir temporairement du noir, prendre le risque et le temps d’exposer une œuvre, la mettre en lumière.

Mais quand le choix est fait de se révéler ou plutôt de révéler, comment parler du travail d’une photographe quasi inconnue dont les images vous accompagnent depuis des années, et qui pourtant photographie inlassablement depuis 50 ans ? Quelles correspondances, quelles paroles recueillies, quels témoignages, quelles œuvres en résonance pourraient vous aider à raconter cette œuvre et au final à saisir une singularité qui justifierait ce risque d’être remarquée, exposée sur la place publique ?

Le 13 octobre 1986, Robert Doisneau écrivait ces quelques mots adressés à Claire Santrot au sujet d’une de ses photographies intitulée « Les parapluies » :

Cette image est encore mieux qu’à sa première vision. Son charme est purement photographique, je veux dire maladroitement que ce moment de beauté ne cède pas à des réminiscences picturales ou littéraires. L’émotion spontanée a fait son chemin à travers le processus mécanique optique chimique, il y a un mystère, un état de grâce, que tous les théoriciens de la photo n’arriveront jamais à expliquer. Une analyse impossible avec les mots savants dont ils possèdent une panoplie très copieuse. Gardez toujours ce bonheur de la réussite en dehors de tous les systèmes et de tous les trucs. (…).

Et 10 ans plus tard, Willy Ronis à son tour, dans le catalogue de l’exposition de la photographe « Frères et sœurs », à la galerie de l’ADAC, l’association devenue depuis Paris-Ateliers, dans laquelle elle enseignait déjà avec passion le tirage argentique noir et blanc :

(…) Pas de brusquerie, une attention discrète, une complicité vite établie. Et ce serait insuffisant si ne se greffait là dessus son sens artistique enrichi par une sensibilité de qualité. On sourit, on apprécie, on est conquis.

Doisneau, Ronis, comme pour rappeler la parenté de Claire Santrot avec la photographie humaniste.
Mais il serait réducteur de parler du travail de la photographe en le résumant à ces quelques motifs : le clair obscur des chemins de campagne, le parfum d’une douce chronique du temps qui passe, la peinture de l’intimité familiale, le tendre regard porté sur les gestes de l’enfance et sur ses proches, la classique exigence du cadre et de la composition ainsi que les belles nuances de gris héritées des plus célèbres photographes devenus des « classiques ». Il existe certes un lien invisible, mystérieux, un « état de grâce impossible à expliquer ou analyser avec des mots savants », pour reprendre les termes de Doisneau, avec des femmes qui ont marqué l’histoire de la photographie, de Julia Margaret Cameron à Sally Mann, et ce malgré la rareté de Claire Santrot dans les galeries photos et sa discrétion, presque sa réticence, à exposer ses images. Il me semble cependant, au delà de ces comparaisons incertaines, que ce qui se joue pour parler de son travail se situe ailleurs.
Cela pourrait être par exemple dans les gestes précis et têtus qui trahissent ce qu’est profondément son rapport à l’image et qui, au delà de la prise de vue, se prolongent dans le secret de la chambre noire, dans son cabinet des curiosités d’où s’exhalent des vapeurs de bains chimiques.

Révélations

Car tout a commencé dans le noir. Celui d’un « cagibi », d’où s’échappaient des odeurs d’acide, là où son père réalisait ses tirages noir et blanc sur de petits formats barytés. Puis, séances de séchage et glaçage, odeur de chaud qui se dégage du tissu de la glaceuse, bruit du papier qui se décolle de la plaque en inox. Mélange des sens, souvenirs d’enfance…
Il faut bien une première fois… Souvenir ému des images en relief du stéréoscope familial et des albums photos, découverte, à l’âge de 12 ans, de son premier boitier Kodak Starlet aux images carrées comme un carreau de vitre embuée (les séries réalisées plus tard avec un boîtier Holga en seront une survivance), souvenir des prises de vue avec les cousines et cousins pendant les vacances dans la grande maison familiale, puis retour dans le « cagibi photo » pour apprendre le tirage avec son père. C’est donc une histoire d’enfance, dès le départ : ses premières émotions, ses premières photographies, ses premiers tirages.

Quand on sort du noir, l’enfance est mystérieuse et limpide à la fois. A partir du regard posé sur ses propres enfants et leurs proches, elle n’a jamais cessé de photographier l’enfance sous toutes ses formes. Elle lui évoque la peur du noir et les yeux levés en direction des étoiles, les monstres entrevus dans les petites chambres éteintes, les animaux imaginaires, les contes à dormir debout, les greniers secrets, les « si j’étais », les « même pas peur », les « on dirait un », les liens fraternels, le plaisir de marcher dans les flaques.
Quant aux images, elles sont noires, elles sont blanches, mais pas seulement. Elles ont des noirs profonds, des nuances de gris, des flous indécis, des blancs jamais tout à fait blanc, des fuites de lumière sorties d’on ne sait où. Comme des traces de comètes ou des voiles de brume qui les traversent.
Depuis les débuts, elle a choisi d’explorer le monde intime de l’enfance et d’approfondir dans le même temps l’expérience vécue avec son père dans la chambre noire : d’abord en apprenant la pratique du tirage argentique, puis en la transmettant à son tour.

C’est cette approche artisanale, ce travail acharné au laboratoire, le regard critique qu’elle porte sur ses propres images et ses propres tirages, enfin l’expérimentation constante et jamais achevée, qui peuvent donner les clés pour saisir son œuvre ou le processus créatif qui l’anime depuis toujours et plus encore aujourd’hui.

Ainsi, il est peut-être temps de partager, d’exposer à d’autres ce travail tout en cohérence et en continuité, tout simplement parler de cette œuvre, poser quelques pierres.
Mais comment parler d’une photographe, puisque c’est la question initiale ? Pour tenter au moins d’y parvenir, il faudrait savoir se détacher d’un abord théorique et se laisser porter par « l’émotion spontanée » dont parlait Robert Doisneau, l’émotion que procurent les images, puis entrevoir des correspondances inattendues qui se font souvent à nos dépens, pour saisir la manière dont elles adviennent à travers le « processus mécanique optique chimique », se révélant à nous par surprise.

« Révélations » est justement le titre d’une série récente réalisée par la photographe, le début d’un travail au long cours en perpétuel transformation au moment où j’écris ces lignes. Il s’agit de formes primitives et abstraites, série constituée de chimigrammes, si l’on veut être précis au regard de la technique argentique qui est en jeu.
Des nuances de gris, de blancs et de noirs profonds, surviennent, sans aucune prise de vue préalable (aucun négatif), par la combinaison de papiers argentiques exposés sous la lumière de l’agrandisseur et de bains chimiques, où révélateurs et fixateurs sont savamment distillés. Les formes apparaissent, se font et se défont dans un protocole incertain et imprévisible, jeu d’hésitation et de tentatives parfois ratées, souvent réussies. Le papier photo-sensible révèle alors des formes brutes, abstraites, dans l’alchimie des bains.

Émergences-Résurgences

Contre toute attente, c’est dans un livre de Henri Michaux, « Émergences-Résurgences », de ce qu’il dévoile et dit du geste artistique, que j’ai nourri ma réflexion sur le processus créatif de la photographe. Certes, j’ai parfois reconnu dans les œuvres de Michaux, principalement les encres de Chine, un ou deux chimigrammes de Claire Santrot, images nées quant à elles de la dégradation temporelle des sels argentiques. Mais le livre de Michaux m’a avant tout inspiré pour raconter le travail d’une photographe, et lui donner une lisibilité au delà de ce qui est vu au premier abord, une certaine façon de le légender, lui donner de la profondeur.

Mais il faut peut-être déjà dire quelques mots de cette édition originale du livre de Henri Michaux publié en 1972 par Albert Skira (1).
Dans « Émergences-Résurgences », le poète questionne à 73 ans, ses expériences graphiques, dessins au pinceau, à l’encre ou au crayon, dessins mescaliniens, peintures à l’acrylique sur papier, carton ou toile, peintures à l’huile, à l’encre de chine, gouache sur papier, pictogrammes, aquarelles, lignes mouvantes (et émouvantes), « papiers troublés », pictogrammes tracés, « trajets pictographiés », arrivées au noir, visages sortis de nulle part, « gestes mouvements »,…
« Émergences-Résurgences » est en quelque sorte un commentaire introspectif du travail pictural de Michaux réalisé pendant près de 40 ans, une chronique précieuse de son propre geste créatif, commentaire qui deviendrait au fil du récit une formidable correspondance avec lui-même, un travail dialectique de montages, de correspondances justement, entre des images et une pensée en mouvement.
Le voyage que Michaux décrit, d’échecs en succès, est une observation à la loupe, au détail, au plus près de son geste créatif ou plutôt de ses tentatives de gestes, scrutant chaque mouvement, chaque signe, chaque trace laissée sur le papier, gestes par lesquels il parvient à faire surgir le trouble, l’improbable, « sans savoir ce qui viendra », avec confiance et découragement aussi. « Triomphe par le ratage », magnifique formule.

Pour explorer le travail de Claire Santrot et sa série « Révélations », j’ai donc extrait quatre motifs, empruntés à « Émergences-Résurgences », dans un jeu de correspondances inédit : explorations, apparitions, émergences, résurgences. Ils constituent un corpus introspectif pour raconter le geste créatif de la photographe, en partant de ses dernières abstractions et de son travail en chambre noire, puis en remontant le temps pour dévoiler d’autres images.

Explorations (premier motif)

Comme moi, la ligne cherche sans savoir ce qu’elle cherche, refuse les immédiates trouvailles, les solutions qui s’offrent, les tentations premières. Se gardant d’ « arriver », ligne d’aveugle investigation.
Sans conduire à rien, pas pour faire beau ou intéressant, se traversant elle-même sans broncher, sans se détourner, sans se nouer, sans à rien se nouer, sans apercevoir d’objet, de paysage, de figure.
A rien se heurtant, ligne somnambule.
Par endroits courbe, toutefois non enlaçante.
Sans rien cerner, jamais cernée.
(…)
Echecs.
Echecs.
Essais. Echecs.
(…)
Echecs. Pas absolus (un certain embryon…peut-être pour plus tard).
J’abandonne.
(…)
Je ne délibère pas. Jamais de retouches, de correction. Je ne cherche pas à faire ceci ou cela; je pars au hasard dans la feuille de papier, et ne sais ce qui viendra. Seulement après en avoir fait ces quatre ou cinq à la suite, parfois je m’attends à voir venir par exemple des visages.Il y a des visages dans l’air. De quel genre? Aucune idée. (H.M)

Tout est aléatoire et pourtant rien ne semble laissé au hasard. C’est ce qui est mystérieux dans le protocole mis en place par Claire Santrot pour « laisser venir des formes », selon ses propres mots. Un rai de lumière, un « certain temps » d’exposition, on pourrait dire un temps incertain, une durée dans le révélateur, une décision opportune dans le bain d’arrêt, une plongée dans le fixateur. Et bien sûr, le choix d’une surface incertaine, celle d’un papier photo-sensible, vieux, daté, souvent périmé, déniché ou simplement récolté ou offert bien avant, pour en faire quoi ? Toujours une affaire de temps, de temps passé, de temps compté, de temps subi, de temps choisi.
Puis des tests, des combinaisons entre fluides, durées et matériaux. Puis, des tentatives d’organiser le chaos, de cataloguer l’impossible, des repérages, des notes écrites derrière les épreuves, des petits bouts d’essai, une documentation qui n’en finit pas, des pochettes pour classer, ranger et voir enfin après de multiples essais, si « cela tient la route ». Sans compter le choix d’un format, en reste t-il dans ma boîte ? économie sauvage de ce qui subsiste, dans toutes les directions, des séries ou d’improbables surprises uniques et non reproductibles. Existe t-il une méthode pour reproduire, faire identique ? Non, « cela ne fait jamais pareil ».

Apparitions (deuxième motif)

Mon plaisir est de faire venir, de faire apparaître, puis faire disparaître.
En attendant, viennent quelques personnages et des têtes, irrégulières, inachevées surtout.
(…) Comme têtes je reconnais toutes les formes imprécises
(…) Plus qu’avant, il y a des chocs, des montées, des traversées, des dégringolades et comme des courses, faisant par là même un espace différent, un espace éparpillé, inconnu, un espace à espaces, à perspectives superposées, intercalées, polyphoniques, espaces que depuis longtemps, autant que les formes, j’avais espéré voir un jour, voir disloquer, défaire, diviser, mettre en lambeaux, soulever, enivrer…(H.M)

Il y a bien quelques apparitions qui surviennent, qui émergent du révélateur, fixées dans des formes inachevées, imprécises. Il y a bien quelques visages, quelques pans de murs lézardés avec des effets de relief, quelques nuances de gris, quelques entrées dans le noir, des lignes brisées, quelques motifs rupestres entrevus, devinés, et des monstres, beaucoup de monstres, tapis dans l’ombre. Et il y a bien ce moment où tout cela apparait et où pourtant la photographe souhaite encore et encore immerger et faire émerger à nouveau dans les bains chimiques restant à sa disposition et des papiers photo, dans une économie de la forme qui compose avec le manque, la perte, le désir certainement. Est-ce bien cela que je cherchais ? C’est cela que je trouve en tout cas. « Je n’ai jamais la même chose, mais je laisse venir les formes », formes brouillées, « papiers collés », formes nuages, formes fantôme, apparitions.

Émergences (troisième motif)

Je lance l’eau à l’assaut des pigments, qui se défont, se contredisent, s’intensifient ou tournent en leur contraire, bafouant les formes et les lignes esquissées, et cette destruction, moquerie de toute fixité, de tout dessin, est sœur et frère de mon état qui ne voit plus rien tenir debout.
(…)
Lavis. Il y faut le trouble. Au moins le trouble. Je trouble d’abord le papier. Puis, autre trouble, un je ne sais quoi dont je ne tiens pas à prendre conscience ni en mots, ni en pensées, ni en vagues souvenirs.
(…)
Papier troublé, visages en sortent, sans savoir ce qu’ils viennent faire là, sans que moi je le sache. Ils se sont exprimés avant moi, rendu d’une impression que je ne reconnais pas, dont je ne saurai jamais si j’en ai été précédemment traversé. Ce sont les plus vrais.
Les rassemblant judicieusement, aurait-on pu en faire un catalogue (avec beaucoup de répétitions), catalogue d’attitudes intérieures, une encyclopédie des gestes invisibles, des métamorphoses spontanées, dont l’homme à longueur de journée a besoin pour survivre…? Douteux. Trop incomplet. (H.M)

Que sont ces émergences, ces révélations, nom donné à la série de Claire Santrot ? Des apparitions soudaines, on l’a bien compris, inattendues, que l’on ne voit pas arriver. Mais aussi dans un sens plus concret, physique, aquatique, le sens propre dira t-on, un prolongement de l’action d’émerger, contraire de plonger.
Cela décrit un procédé : D’abord diluer, en prévision de la transformation, puis remuer ce qui est englouti, encore caché, créer le remous, le tourbillon, pour provoquer l’apparition, la révéler bien sûr dans le bac d’un révélateur. Car vient enfin l’émergence, à la surface de l’eau, ou plutôt dans quelque chose qui fait surface, que l’on découvre soudainement. L’on pourrait tout aussi bien dire émersion, par opposition à immersion. En géologie, on parle aussi de l’émergence d’une source. Ce motif de l’eau, de la fluidité est juste et beau à la fois car il exprime le trouble de ces apparitions, le flux et le reflux dans le mouvement, peut-être aussi le flou et l’imprécision des formes. On a du mal à voir dans l’eau, mais on peut y deviner des formes. L’émotion est mouvement, l’émotion est un trouble.

Résurgences (quatrième motif)

Embarras : je ne veux apprendre que de moi, même si les sentiers ne sont pas visibles, pas tracés, ou n’en finissent pas, ou s’arrêtent soudain. Je ne veux non plus rien « reproduire » de ce qui est déjà au monde (…)
Difficultés. Enlisement.
(…)
Hésitation. Transition.
(…)
Triomphe par le ratage même, puisque non sans un certain scandale que je ressens, ils deviennent réussite (!) où, en plus, je me dégage de ce que j’ai haï le plus, le statique, le figé, le quotidien, le « prévu », le fatal, le satisfait.
(…)
Un auteur n’est pas un copiste, il est celui qui avant les autres a vu, qui trouve le moyen de débloquer le coincé, de défaire la situation inacceptable. Même raté, jamais raté, parmi les myopes satisfaits.
En débloquant sa situation, il en débloque des centaines d’autres, des situations d’époque, ou de l’époque qui ne fait encore que poindre.
L’artiste est d’avenir, c’est pourquoi il entraîne.
Voir toujours ses arrières, c’est comprendre un mobile en se trompant de sens ! (H.M)

Et si ce travail, cette série évolutive, inattendue, était à la fois un prolongement et un retour aux sources ?
Voir toujours ses arrières, c’est comprendre un mobile en se trompant de sens. J’aime cette formule de Michaux, car elle suggère une double contradiction : la première est qu’il faut parfois se perdre pour exprimer mieux ce que l’on désire signifier. La seconde, en prenant le mot sens dans sa signification de direction pour dire aussi que la source qui aide à cette compréhension, à cette révélation, ne se tarit jamais et qu’il s’agit de prendre source dans une expérience qui a précédé (voir toujours ses arrières). Puiser aux sources.
Il est plusieurs manières de photographier. La première serait de reproduire le monde avec application, risque de répétitions, d’académisme, risque d’un langage trop organisé, codifié, encombré par l’abondance comme le dit Michaux, questionnant sa propre pratique de l’écrit. Une autre manière serait de laisser advenir l’impossible, de revenir au monde par un chemin détourné, de débloquer la situation, là où écrit Michaux les sentiers ne sont pas visibles, pas tracés, ou n’en finissent pas, ou s’arrêtent soudain. Ainsi, il serait possible de sortir des reproductions, d’un langage trop codé, tout photographique qu’il soit, en allant vers quelque chose de plus rustique, de plus primitif, je dirais se donner la possibilité de sortir du cadre. Enfin, de retrouver à nouveau, de laisser resurgir l’émotion, les affects, les laisser émerger, resurgir, en surface.

Et si une petite fille s’abandonnant dans l’eau, le geste banal d’un enfant à l’ombre d’un arbre, une fleur de tournesol délicatement humée dans la chaleur de l’été, des flocons comme des grains de poussières, toutes ces images qui précédent ces révélations, étaient les prémices des visages, des formes et des monstres sortis de nulle part ? Et si nous retrouvions ces images-sources cachées dans les plis d’une matière grisâtre, dans les formes improbables d’une tache ou dans les méandres d’une ligne sinueuse, comme les signes mystérieux et limpides à la fois, gravés sur les parois d’une grotte, héritage d’un lointain art pariétal ?

Philippe Bonnaves – 11 décembre 2023
(lire un autre article sur Claire Santrot – « Katchinas »)
(1) Émergence-Résurgences – Albert Skira Éditeur – Henri Michaux – Collection Les sentiers de la création 1972

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