Cemetery of Splendour de Apichatpong Weerasethakul

Des soldats atteints d’une mystérieuse maladie du sommeil sont transférés dans un hôpital provisoire installé dans une école abandonnée. Jenjira se porte volontaire pour s’occuper de Itt, un beau soldat auquel personne ne rend visite. Elle se lie d’amitié avec Keng, une jeune médium qui utilise ses pouvoirs pour aider les proches à communiquer avec les hommes endormis.

cemetery of spendlor 2Le dernier film d’Apichatpong Weerasethakul se termine sur les yeux grands ouverts de son actrice principale, Jenjira Pongpas, après une expérience primitive, chamanique, de rêve éveillé qui avait d’abord provoqué des larmes. Ouvrir les yeux sur le chaos politique dont est aujourd’hui victime la Thaïlande, opprimée et muselée par la junte militaire ou fuir dans le sommeil, les rêves, loin de la léthargie collective.
Rester debout, raide en écoutant sur injonction l’hymne national ou trouver d’autres refuges.
C’est ce que raconte le dernier film du réalisateur thaïlandais qui certifie qu’il ne tournera plus dans son pays, la situation étant intenable, mais cherchera l’inspiration ailleurs.

Evidemment, il s’agit toujours d’une expérience de cinéma, hypnotique, inspirée, sensible avant tout. Du « cimetière », il est question car l’hôpital de campagne où les soldats sont pris d’un sommeil incurable est construit sur les gravats d’un monde d’esprits où les rois aspirent l’énergie des vivants dans des guerres perpétuelles. Quant à la « splendeur », elle vient de la lumière colorée qui déteint sur le monde et donne espoir d’une beauté diffuse, perceptible dans des rêves réparateurs, mais surtout de sa présence réelle, palpable, dans les caresses dispensées, les attentions fugaces, la mémoire enfouie et retrouvée, les larmes provoquées par un désir réprimé.

Quand on ouvre les yeux sur la vérité du monde, d’abord muet devant l’impensable et la douleur des hommes, c’est le sensible qui nous sauve d’une torpeur mortifère, d’un silence de mort.

Philippe Bonnaves

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