Nul homme n’est une île : Quand le paysage nous raconte des histoires idéales

Nul homme n’est une île commence à Sienne par un long panoramique scrutant les fresques dites du « bon et du mauvais gouvernement » (Allegoria ed Effetti del Buono e Cattivo Governo) d’Ambrogio Lorenzetti, peintes au XIVème siècle sur les murs de la Salle des Neuf du Palazzo Pubblico. Puis, par une extension du regard, le panoramique se poursuit vers d’autres terres européennes, de la région de Catania en Sicile jusqu’au Vorarlberg en Autriche, en passant par le canton des GrisonsLire la suite

Shooting Holy land : au pied du mur, le regard d’un exilé

« Koudelka : Shooting Holy Land » (Photographier la Terre Sainte), premier film du photographe israélien Gilad Baram, est actuellement projeté à Montréal lors du 35eme Festival International des Films sur l’Art. Le film est un point de vue inédit, un témoignage au plus près, sur le travail du photographe tchèque de l’agence Magnum rendu célèbre par sa série sur l’invasion russe à Prague en 1968 et ses photographies sur les gitans d’Europe de l’Est. Quarante ans plus tard, sous l’œuil attentif de Gilad Baram. Un témoignage au plus près de l’acte de création, où esthétisme et politique se superposent.Lire la suite

« A propos de Nice » ou le dernier des films muets

Quand il tourne avec Boris Kaufman les premiers plans de « A propos de Nice », Jean Vigo se révèle découvreur, défricheur, célébrant le cinéma comme un art forain dans l’état d’esprit « Tiens on va essayer ça pour voir ce que ça donne », comme l’écrit François Truffaut dans la célèbre préface des textes de Vigo rassemblés par Pierre Lherminier. De tentatives en tentatives, « A propos de Nice » prendra forme librement jusqu’à devenir un poème filmé et un cri de colère anticonformiste; et Truffaut conclura ainsi son hommage : « Tout Orson Welles est dans la première bobine de Citizen Kane, tout Buñuel dans Un chien andalou, tout Godard dans Une femme coquette, de même que tout Jean Vigo est dans À propos de Nice. »Lire la suite

Un moment de silence, une « petite forme » de Johan van der Keuken

Un moment de silence, réalisé en 1961, que Johan van der Keuken décrit comme « une sorte de petit tableau de la vie d’Amsterdam », première pierre de son immense édifice, est un modeste objet, d’à peine plus de 10 minutes, financé par ses premiers travaux photographiques et des commandes pour la télévision hollandaise. Dans une forme à la fois documentaire et poétique, à la limite du cinéma expérimental et au bord de la fiction, le cinéaste hollandais y explore déjà les motifs et les formes qui façonneront son œuvre.Lire la suite

« Losbruch » ou le « déclenchement » d’un soulèvement – d’après une gravure de Käthe Kollwitz

Du 10 mars au 15 juin 2017 aura lieu, à l’occasion du 150ème anniversaire de Käthe Kollwitz, une exposition exceptionnelle au Käthe Kollwitz Museum de Cologne, « Soulèvement ! Renaissance, réforme et révolte dans l’œuvre de Käthe Kollwitz ». Cette exposition sera consacrée au cycle « La guerre des paysans », « Bauernkrieg » (1902/03–1908), et au travail de recherche effectuée par l’artiste pour le réaliser. En ce début d’année où le musée du Jeu de Paume a exposé des gestes de soulèvements, une remarquable gravure de Kollwitz, « Losbruch », y a trouvé sa place et est venue questionner par l’image comment les peuples se soulèvent. Elle fait écho à distance aux « Désastres de la guerre » de Goya et à d’autres révoltes plus contemporaines…Lire la suite

Questions de soulèvements ou comment réconcilier puissance des images et politique ?

« L’article de Souley, Eve et Maha, « Soulèvements – La révolte n’est pas une expo d’art », publié le 19 décembre dans paris-luttes.info au sujet de l’exposition « Soulèvements » du Jeu de Paume (encore visible jusqu’au 15 janvier 2016), me conduit en réaction à proposer aux auteurs un dialogue à distance, un prolongement de réflexion. A y bien réfléchir, c’est aussi une manière de dialectiser une problématique de fond autour de la puissance des images et de leur lienLire la suite

« Merci Patron ! » ou comment François Ruffin réinvente la révolution en faisant des films

J’ai découvert Merci patron ! pour ainsi dire après la bataille, à sa sortie en DVD (1), avec la même jubilation qui avait animé les spectateurs ressortant des projections regonflés à bloc, le brandissant comme un étendard, avec l’arrière-goût d’une délicieuse revanche sur l’oligarchie, en la personne de Bernard Arnault, revanche à consommer sans modération.Lire la suite

« La mécanique des flux » : prendre les images, rendre les images, puis donner la parole

« La mécanique des flux » de Nathalie Loubeyre (1), projeté en avril 2016 à l’occasion du 14ème édition du Festival International du Film des Droits de l’Homme de Paris avait obtenu une mention spéciale décernée par le « jury des affranchis » de Fleury-Mérogis. Le film sort en salle à la rentrée au cinéma Lux à Caen ainsi entre autres à Orléans, Nantes et Paris. Nous avions été interloqués par l’approche sans concession et le descriptif des flux migratoires que le film nous livre, bien loin des clichés assénés par les médias dans les feux de l’actualité.Lire la suite

« La Maison est noire » de Forough Farrokhzad : cinéma de la cruauté

Lire l’article dans sa version définitive sur le blog documentaire ici Connexions J’ai entendu parler de « La Maison est noire » (1), le bouleversant et unique documentaire de Forough Farrokhzad sur la léproserie de Tabriz en Azerbaïdjan lors d’une conférence filmée de Georges Didi-Huberman (2) ou l’une de ses interventions sur le « Cinéma de poésie ». Il évoquait, me semble-t-il, la douce voix élégiaque de la poétesse iranienne accompagnant à contre-courant les images frontales et sans concession du quotidien des lépreux deLire la suite

A Touch of Sin de Jia Zhang-ke

« A Touch of Sin » en rendant hommage par son titre anglais au « Touch of Zen » de King Hu, au delà du caractère citationnel, en emprunte à la fois les fulgurances et la virtuosité. Car dans les duels qu’il met en scène, sa manière de filmer l’espace chinois comme un No man’s land à conquérir, ces héros solitaires justiciers ou hors la loi du quotidien arpentant les routes d’un nouvel Eldorado, avec la distance propre à l’ironie et la violence duLire la suite

Cemetery of Splendour de Apichatpong Weerasethakul

Des soldats atteints d’une mystérieuse maladie du sommeil sont transférés dans un hôpital provisoire installé dans une école abandonnée. Jenjira se porte volontaire pour s’occuper de Itt, un beau soldat auquel personne ne rend visite. Elle se lie d’amitié avec Keng, une jeune médium qui utilise ses pouvoirs pour aider les proches à communiquer avec les hommes endormis. Le dernier film d’Apichatpong Weerasethakul se termine sur les yeux grands ouverts de son actrice principale, Jenjira Pongpas, après une expérience primitive,Lire la suite

Arkhangelsk 1996/97

Les nuits blanches d’Arkhangelsk ne finissent pas. Les artistes ont rempli le vide sidéral d’une ville qui me semblait morte la première fois. Les rues se sont un peu animées et suis allé y voir, parfois surpris, d’autres fois éberlué, souvent ému. Il faut avoir du cœur pour imaginer qu’il est toujours possible de donner du bonheur aux gens surtout en les bousculant. Il y a des fous qui y croyaient : Pascal, Doumé, Boubouche, Viktor, quelques autres. Moi, ilLire la suite

Quand Tout Samba’l…

C’est loin. Des comédiens libres, émouvants, souriants, trois valises, un mouchoir. Puis, la rue, des passants, une fillette, bientôt deux. Je suis pris par eux, ce n’est pas moi qui les capture, c’est le souvenir que j’en ai. Il pleut, c’est peut-être mieux ainsi. La magie opère, ce sont eux qui créent cette scène du quotidien et du rien. Leur poésie, leur naïveté est de penser que tout est possible. Ils ont raison au final, ils disent simplement au revoir,Lire la suite